Jane Resmond : l'électron libre du théâtre
- Pauline Bluteau
- 23 mars 2017
- 6 min de lecture

Elle est blonde, elle a la trentaine et elle vient tout juste d'être maman mais Jane Resmond est avant tout une comédienne. Certains parleront de chance pour évoquer son parcours, d'autres parleront de talent. Une chose est sûre, avec son One woman show, Jane renaît, pour son plus grand plaisir.
« J'ai une migraine, il me faut un café ! ». A peine arrivée, Jane se sent déjà comme chez elle et son mal de tête ne semble pas l'arrêter. Le Fumoir, ce café situé en face du Louvre, elle le connaît comme sa poche. « D'habitude, je me mets au fond, là-bas, pour écrire. » confie-t-elle, en se débarrassant de son manteau. A l'heure du goûter, l'endroit est bondé mais le calme règne. Certains mangent leur salade composée, d'autres discutent et beaucoup travaillent derrière leur ordinateur. Installées près d'une fenêtre laissant apercevoir les quelques rayons de soleil, Jane s'excuse pour son retard. Entre son « One », sa pièce de théâtre, les castings et son bébé, Jane court partout et tout le temps. Pourtant, c'est une jeune femme souriante et calme qui se dresse devant nous. Tornade à l'intérieur et plénitude à l'extérieur, c'est peut-être ce qui caractérise le mieux la comédienne.
Le One, comme une raison de vivre
D'entrée de jeu, Jane tient à nous parler de son spectacle dont la première a eu lieu il y a deux jours. Très vite, on comprend que sous ses airs de jeune femme sûre d'elle, elle n'arrête pas de se remettre en question. Quatre ans après avoir défendu son premier One woman show sur scène, Jane Resmond n'a pas dit son dernier mot. Cette année, la comédienne revient avec ce « spectacle vivant...ou presque » pour trois mois de rigolade. Un come back inespéré il y a un an. « Quand je suis devenue maman, je me suis posée pleins de questions sur mon âge : est-ce que j'étais trop vieille pour remonter sur scène, est-ce que les gens allaient encore rire,... J'étais bien loin d'imaginer que je reviendrai cette année avec ce « One » ! », explique-t-elle, en avalant une gorgée de son café allongé. Mais la belle blonde croit en la vie avant tout, comme une philosophie, une manière de vivre, « si les choses doivent se faire, elles se feront ». Et comme si l'été portait conseil, en septembre tout s'enchaîne. Jane se rend au One man show d'un de ses amis, Jo, et l'envie de scène réapparaît immédiatement. « Je lui ai dit que j'aimerais refaire mon One, il était tellement content qu'il m'a proposé d'être mon metteur en scène. Le même jour, j'ai revu deux autres amies. Je leur ai parlé de mon projet. Elles voulaient me produire. Les deux éléments les plus importants pour mon spectacle étaient réunis et l'aventure a commencé ». Telle un pile électrique, Jane se dandine sur sa chaise et raconte cette anecdote avec un air détaché, comme si tout avait été facile.
Après quelques modifications sur l'écriture du spectacle, dimanche dernier, à 16h30, Jane est remonté sur les planches. Le trac ? « Je suis arrivée 15min avant le début de mon One, maintenant je ne me stresse plus pour rien. Il faut se dire qu'on ne joue pas sa vie là-dessus et puis ça va, on ne sauve pas des vies non plus ! ». Pendant plus d'une heure, la comédienne a réuni 100 personnes autour d'un sujet un peu particulier : la mort. « Je suis partie d'un constat que j'entends tout le temps : si Dieu existait, il n'y aurait pas autant de misère, de guerre,... Dans mon spectacle, j'imagine la fin du monde et un Dieu qui met des cartons rouge ou bleu aux gens. Je fais donc naître environ dix personnages sur scène, de la femme bourgeoise catholique mais ignoble à la suicidaire pressée de connaître la mort. » En parlant de son spectacle, Jane semble presque admirative de ses personnages, elle les ressent, elle les joue rien qu'en en parlant comme s'ils faisaient partie d'elle. « C'est comme si j'accouchais une nouvelle fois ». Et si l'écriture n'est pas son activité préférée, elle continue à s'inventer d'autres personnages pour le plaisir de faire la comédie. « C'est ce qui me plaît le plus dans le théâtre, faire vivre les personnages avec une pointe de ma personnalité ». Et quand on lui parle de cet éventuel besoin de faire rire les gens : « ce n'est pas mon objectif principal, je veux juste vivre de ma passion et je m'amuse aussi à jouer des rôles plus dramatiques ».
La télévision, l'aboutissement
Et étonnamment, ces rôles là, Jane a eu l'occasion de les jouer pour la télévision. « Je ne sais pas pourquoi à la télé, je dois chialer tout le temps ! J'ai toujours un fils ou un mari qui est mort ! » Une ambivalence qu'elle cultive depuis ses premiers cours de théâtre, à l'âge de 12 ans et qu'elle a pu améliorer après avoir obtenu son bac, aux Cours Viriot. Pendant trois ans, elle apprend des pièces contemporaines et elle prend du plaisir à être sur scène. A peine sortie de l'école, en 2003, Jane obtient un petit rôle dans une pièce. Ce rôle est le début du tourbillon qui ne l'a jamais quitté jusqu'à maintenant : « je ne me suis jamais arrêtée, j'ai toujours de nouvelles opportunités qui s'offrent à moi ». Et si tout lui réussit, c'est parce que la jeune comédienne ne se refuse rien : publicité, doublages, séries télé, rôles au théâtre, tout est prétexte pour montrer son talent. « Moi ce que j'aime c'est bosser, si on est sincère, on peut tout faire. Si demain on me propose un rôle pour Plus Belle la Vie, je pense que j'irai même si ce n'est pas ce que je préfère. », grimace-t-elle en passant la main dans ses cheveux.
Mais aujourd'hui, le but de la comédienne est surtout la reconnaissance. Après plus de 15 ans de bons et loyaux services dans le monde du théâtre, Jane attend maintenant une reconnaissance du grand public et du monde du spectacle en général. La télévision pourrait bien être la clé de son succès : « faire un film, avoir un rôle récurrent sur une grande chaîne serait un gage de reconnaissance, parce que passer à la télé, il faut bien le dire, ça ouvre des portes ». Optimiste et ambitieuse, la jeune femme cherche toujours à repousser ses limites : remplir un théâtre de 50 places c'est bien, 300 c'est mieux. Une force de caractère qui lui est propre et qui lui sert à avancer.
Le théâtre, entre forces et faiblesses
Tandis qu'elle jette un œil sur l'extérieur, la jeune femme fait part de son instabilité financière due à son statut d'intermittente du spectacle. En repassant la main dans ses cheveux, elle songe à sa situation personnelle : « des fois, la fin du mois est plus dure et à mon âge, j'aimerais pouvoir me dire ça va, je n'ai pas à m'inquiéter. Bon, je dis peut-être ça parce que je suis focalisée sur l'idée de changer d'appartement depuis que je suis maman ! ». Là encore, la télévision pourrait être la solution : gagner correctement sa vie pendant plusieurs mois, s'assurer un confort de vie sans se préoccuper de ce qui se passera après. Mais cette situation, Jane la rêve encore. Pourtant, la comédienne tient à remettre les choses dans l'ordre : « je ne suis pas malheureuse, j'ai du travail et je vis au cœur de Paris, mais j'en veux toujours plus... ».
Ce perfectionnisme, la jeune femme se l'ai imposé elle-même. Pas de pression familiale ou financière, Jane a tracé sa route, sans encombre, là où son destin a décidé de l'emmener. « J'ai grandi dans une famille où mes parents m'ont toujours dit que le matin en me levant, je devais être contente d'aller travailler, c'est ce qui m'a poussé à faire ce métier. » Petite, elle pensait que le théâtre ne pouvait être qu'une passion. A 18 ans, elle avoue à ses parents, qu'elle aimerait « peut-être » faire de cette passion un métier. A sa plus grande surprise, son père lui demande simplement de trouver une école pour se former. « Mes parents ne m'ont jamais dit qu'ils croyaient en moi mais je le sais, c'est tout. Je pense que c'est un vrai plus d'être entouré par ses proches quand on fait ce métier, cela facilite les choses et ça permet d'avancer plus facilement ». Justement, Jane jette un œil à son téléphone : « excuse-moi deux secondes, je n'ai pas vu le temps passé, je devais aller chercher mon fils à 17h mais du coup c'est son papa qui va s'en occuper ! ».
Il nous reste encore quelques minutes pour parler de ses projets. La comédienne pense déjà à l'écriture d'un nouveau One woman show. En attendant, le spectacle n'attend pas. La jeune femme joue dans moins de deux heures le personnage de Marie, une jeune femme idiote et très attachée à son physique, une vraie caricature de la blonde, tout le contraire de Jane. La jeune femme tente d'appeler un serveur pour régler l'addition. En sortant, son constat est clair : « j'ai l'impression d'avoir fait une séance de psychanalyse » s'exclame-t-elle en rigolant. Et si de son côté, la comédienne repart avec le sourire et un mal de tête évaporé, tel un arroseur arrosé, c'est à mon tour de sentir la migraine pointer le bout de son nez...
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