Congé menstruel : cachez ces règles, que je ne saurais voir !
- Pauline Bluteau
- 1 avr. 2017
- 3 min de lecture

Depuis quelques jours, l'Italie fait parler d'elle et de ses femmes. En cause, l'étude d'un projet de loi par le Parlement pour autoriser les italiennes à prendre trois jours de congés payés pendant leurs règles. Alors fin des tabous ou début d'une stigmatisation permanente ?
Ce serait une première en Europe, les congés menstruels pourraient bien être adoptés en Italie. A l'origine de cette initiative : quatre femmes, quatre parlementaires du parti démocrate. Le projet de loi est simple : donner, chaque mois, la possibilité aux femmes souffrant de règles douloureuses de rester chez elles pendant trois jours maximum, tout en étant payées. Pour cela, une certification médicale valable un an est nécessaire. D'après le magazine italien Marie-Claire, ce projet est « le porte-étendard du progrès et de la durabilité sociale ». Mais plus qu'un progrès, cette loi serait une véritable révolution.
Dans le monde, seuls cinq pays ont pris ce phénomène biologique en main. La Zambie, pays africain de 15 millions d'habitants, en fait partie. Ce pays pauvre où l'espérance de vie peine à atteindre les 50 ans, a intégré il y a quelques mois cette loi, surnommée « la fête des mères ». Les femmes peuvent prendre un jour de congé menstruel sans certification médicale nécessaire. Les quatre autres pays, à savoir, le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et l'Indonésie, se rapprochent davantage du modèle italien. Le Japon est même l'un des pionniers : dès 1947, « le congé physiologique » est adopté. Pourtant en Asie, peu de femmes utilisent ce droit. D'une part, car elles ne sont pas payées et d'autre part, car le sujet est très tabou.
Les règles, ce tabou
En France, près d'une femme sur deux travaille (14 000 000 en 2014 selon l'Insee) et près d'une femme sur deux a donc potentiellement ses règles une fois par mois. Mais les règles, dans notre société, moins on en parle et mieux on se porte. « Les maladies féminines restent encore tabous, invisibles et les répercussions sur la vie des femmes sont sous-estimées », affirmait la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, l'année dernière.
D'après le Marie-Claire italien, 60 à 90% des femmes souffriraient de dysménorrhée. Encore un mot bien compliqué pour parler d'un tabou féminin. La dysménorrhée décrit en réalité toutes les douleurs qui précèdent et qui accompagnent les menstruations : maux de dos, de reins, de tête, de ventre,... Cela peut durer quelques heures, deux jours voire une semaine entière. Pendant ce laps de temps, les femmes sont plus faibles, plus fatiguées et surtout moins productives.
Mais cette réalité, les hommes et les femmes préfèrent la laisser de côté : « nous sommes dans une société patriarcale où on ne tolère pas la moindre faiblesse. On demande aux femmes de se comporter comme des hommes mais c'est compliqué, on ne tient pas compte de cet état de fait, de cette contrainte biologique », explique Pierre-Etienne Penot, historien et spécialiste de la santé féminine. Mais en plus d'être un sujet tabou, cette loi pourrait aussi être un frein à l'embauche.
Vers une stigmatisation croissante ?
D'un côté, cette loi est le signe d'un progrès social, d'un autre, c'est le retour à une discrimination hommes-femmes. « Il y a des évolutions mais les inégalités sont toujours visibles et les stéréotypes très présents », estime Pierre-Etienne Penot, « c'est vrai qu'avec cette loi, les femmes pourraient être d'autant plus stigmatisées ». En Italie, certains médias émettent quelques réservent sur cette loi qui pourrait être une aubaine pour les employeurs. Cette loi « peut être grave car elle infériorise les femmes. Je suppose que la plupart d'entre elles ne voudront pas le dire à leur employeur parce que c'est quelques chose de mal vu », confirme l'historien. Une raison de plus, après le congé de maternité, pour embaucher un homme plutôt qu'une femme, en gage de stabilité pour l'entreprise.
Se pose aussi la question de l'évaluation de la douleur, du respect de la vie privée, du secret médical ou encore du coût financier d'une telle loi. « Il ne faut pas oublier que toutes les femmes ne pourront pas prendre ce congé menstruel : comment ferait une nourrice par exemple ? », questionne le spécialiste.
Si le sujet fait débat en France, aucun candidat à l'élection présidentielle n'a pris position. « J'ai des doutes pour que cela soit appliqué en France, mais cela serait une jolie initiative. Au moins, cela a le mérite d'avoir été posé dans le débat en Italie », conclut Pierre-Etienne Penot.
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