Europe, mon (dés)amour
- Pauline Bluteau
- 9 mai 2017
- 5 min de lecture
Depuis 67 ans, l'Europe est au cœur du système politique français. Longtemps adulée et adorée, l'Union Européenne construite par 28 nations, tant à devenir un lourd fardeau rempli de haine et de mécontentement. Pourtant, le 9 mai 1950 a changé le cours de nos vies, vers plus de paix et de prospérité. Retour sur une construction qui n'a pas fini de se démolir.
Le 8 mai, tout un symbole pour la France, l'Allemagne, l'Europe et le monde entier. Le 8 mai 1945, l'Allemagne capitule, une page de l'Histoire se referme. Cinq ans plus tard, le 9 mai 1950, l'Allemagne, ou plutôt la République fédérale allemande, est encore au cœur des discussions. Les nations relèvent doucement la tête et tendent la main à leurs voisins. L'armistice a apaisé les rancœurs mais la Guerre Froide ne fait que raviver les tensions. Sous la présidence de Vincent Auriol, un ministre s'apprête à marquer l'Histoire.
Schuman, ce héro ?
Jean-Baptiste Nicolas Robert Schuman a déjà 64 ans lorsqu'il se lance dans un projet colossal : réconcilier pour de bon les ennemis de toujours, la France et l'Allemagne. Une banalité pour ce franco-allemand né au Luxembourg. Mais rien n'était joué d'avance. Membre du gouvernement du Maréchal Pétain pendant la Seconde Guerre Mondiale, Robert Schuman va jusqu'à être frappé « d'indignité nationale ». Ambitieux, il reprend sa carrière politique aussi vite qu'il en a été chassé. Pour se racheter une conduite, Schuman est nommé ministre des Affaires étrangères. En collaboration avec Jean Monnet, il rédige son projet de construction européenne.
Le 9 mai 1950, tout est prêt. Dans sa déclaration, Robert Schuman tend la main à la République fédérale allemande (RFA). Une nouvelle ère commence. « Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe ». Avec la CECA, la France ne compte pas en rester là. Sous ses airs de solidarité économique, la nouvelle communauté cherche surtout à recréer un environnement pacifique : « La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible ». La paix économique est donc une première étape vers la fédération européenne.
La RFA ne sera pas la seule à tomber sous le charme de Schuman. Le 18 avril 1951, la CECA est créée pour une période de 50 ans. La Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la RFA deviennent les premiers fondateurs d'une Europe qui compte bien s'imposer au reste du monde.
Et c'est pas fini !
Très vite, la CECA ne suffit plus, l'Europe a soif d'ambition. Après un bel échec de l'Europe de la Défense, l'Europe voit plus grand. Has been le charbon et l'acier, en 1957, on fait place à la Communauté économique européenne et de l'énergie atomique, cette fois pour une durée illimitée.
La CEE fait aussi preuve d'ouverture : une politique agricole commune en 1962, la création d'un espace Schengen pour favoriser la libre circulation des personnes en 1985, une politique étrangère et une sécurité commune avec le traité de Maastricht en 1992 et une monnaie commune en 1999.
Jusque dans les années 2000, l'Union Européenne est THE place to be. 22 pays y adhèrent en à peine 60 ans : du Royaume-Uni en 1973, à la Grèce, en passant par l'Espagne, l'Autriche, la Pologne ou encore la Croatie en 2013. « La France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix », déclarait Robert Schuman, et apparemment la paix a eu plus que la cote ces dernières décennies.

Et là, c'est le drame
2005, ou l'année de tous les échecs. L'Union Européenne se croit invincible, prête à tout pour se mesurer aux grandes puissances comme les États-Unis ou la Russie. Oui, mais non. Dès 2004, le projet d'une Constitution européenne est lancé. Son but : rendre plus efficaces les institutions de l'UE. Mais à l'intérieur-même du pays fondateur de la CECA, les divisions font rages. Rejet de l'élargissement de l'Union Européenne, peur d'une ingérence de l'Europe au sein de la politique française, caractère social de la constitution mis de côté,... autant d'arguments qui ont eu raison du choix des Français lors du référendum. Le 29 mai 2005, 54% des électeurs rejettent le projet. De leur côté, les Pays-Bas soutiennent la France avec 61% de non.
L'Union Européenne retourne à son point de départ, sans savoir quel chemin prendre pour contenter ce qui n'est encore que l'Europe des 25.
Une Europe au bord de l'agonie
Le projet de constitution européenne et la crise de 2008 n'ont fait qu'aggraver la situation de l'Union Européenne. D'abord, la Grèce, en mauvaise posture économique depuis près de 7 ans. Et puis un véritable coup de massue, l'année dernière, le 23 juin, avec le Royaume-Uni. Un Brexit inattendu, après 43 ans de bons et loyaux service auprès de l'UE.
Et qui dit crise, dit montée de l'extrême-droite. Partout en Europe, ces partis politiques font des adeptes. La preuve en est avec l'Autriche. En décembre dernier, le parti écologiste a remporté l'élection présidentielle avec seulement 53% des suffrages. Un score serré, comparé à celui d'Emmanuel Macron face à Marine Le Pen (66,1 % contre 33, 9%). En septembre prochain, le sort de l'Allemagne serra aussi fixé. Après 12 ans aux services de l'Allemagne et trois mandats, la chancelière Angela Merkel doit, elle aussi, jongler avec la montée de l’extrémisme.
Même si ces partis nationalistes sont aux portes de l'Europe entière, le danger semble apparemment écarté...mais pour combien de temps ?
Macron, le nouveau Schuman ?
Depuis lundi, les États-Unis, Bruxelles et même le Kosovo n'ont pas caché leur soulagement après la victoire d'Emmanuel Macron. Sur tweeter, les messages ont fusé :
Jean-Claude Junker – Président de la Commission de l'UE : Félicitations Emmanuel Macron ! Heureux que les Français aient choisi un avenir européen. Ensemble pour une Europe plus forte et plus juste.
Hashim Thaçi – Président du Kosovo : Une très bonne nouvelle et une victoire historique pour la France et l'Europe. Félicitations Président Emmanuel Macron !
Antonio Tajani – Président du Parlement européen : Nous comptons sur une France au cœur de l'Europe pour changer ensemble l'Union et la rapprocher des citoyens.
Angela Merkel – Chancelière allemande : La victoire d'Emmanuel Macron est une victoire pour une Europe forte et unie et pour l'amitié franco-allemande.
Lars Lokke Rasmussen – Premier Ministre danois : Nous pouvons accomplir plus ensemble que seuls.
La France a donc en partie dit oui à l'Union Européenne mais du travail reste encore à faire pour faire de ce oui une véritable acceptation de la construction européenne.
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