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Politique et morale : flirt éternel ?

  • Pauline Bluteau
  • 9 juil. 2017
  • 4 min de lecture

C'est LA loi, avec un grand L, du nouveau Président. La moralisation de la vie publique fait frémir les parlementaires autant qu'elle indiffère les Français. La première promesse d'Emmanuel Macron est sur la sellette, mais à quoi correspond-elle concrètement ?

Depuis lundi 10 juin, la loi « pour la confiance dans notre vie démocratique » est examinée par le Sénat. Après les affaires Cahuzac, Pénéloppe Fillon et Marine Le Pen, il est temps de mettre de l'ordre dans le système politique français. La promesse de campagne d'Emmanuel Macron, présentée il y a un mois en Conseil des Ministres par François Bayrou, devrait voir le jour d'ici peu. Le gouvernement d’Édouard Philippe veut aller vite : la loi sera adoptée définitivement en août, avant la suspension des travaux parlementaires. Au programme de cette loi : l'exercice du mandat parlementaire, le renforcement des règles de probité des acteurs politiques et le financement de la vie politique. Un projet ambitieux, qui est pourtant loin de faire l'unanimité.

Le Parlement en ligne de mire

Le projet de loi comprend une vingtaine de mesures, qui n'ont qu'un seul but : créer « un choc de confiance » au sein de la vie publique. Cette loi intervient sur trois échelles juridiques différentes (de la plus haute, à la plus basse) :

1) Les lois constitutionnelles

Comme son nom l'indique, elles visent à réviser la Constitution. Et leur programme est bien chargé.

  • Suppression de la Cour de justice de la République : cette cour juge les crimes et les délits des membres du gouvernement dans l'exercice de leur fonction.

  • Suppression de la présence des anciens Présidents au Conseil constitutionnel : aujourd'hui, seul Valéry Giscard d'Estaing siège encore au Conseil constitutionnel. La présence des anciens Présidents pose un problème d'indépendance entre la Constitution et le pouvoir politique.

  • Interdiction du cumul de trois mandats successifs.

  • Interdiction pour les ministres d'exercer des fonctions à la tête d'exécutifs locaux (maire, président de département, de région).

2) Les lois organiques

Elles précisent l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, en l'occurrence, les parlementaires.

  • Interdiction de recruter des membres de leur famille.

  • Suppression de la réserve parlementaire : cette réserve avait pour but de leur attribuer des subventions pour gérer leur territoire. La réserve devrait être remplacée par un fonds d'action pour les territoires et les projets d'intérêt général.

  • Interdiction de lancer une activité de conseil en cours de mandat, afin d'éviter les conflits d'intérêt.

  • Création d'une peine d'inéligibilité de plein droit jusqu'à 10 ans en cas de crimes ou délits : cette peine sera appréciée par le juge qui peut, ou non, l'ajouter à la sanction.

  • Vérification du patrimoine du Président, à la fin de son mandat.

3) Les lois ordinaires

Ici, elles concernent principalement des lois de finance.

  • Création d'une banque de démocratie : cette banque sera chargée de prêter de l'argent aux partis pour leurs campagnes électorales. Auparavant, les banques privées étaient chargées d'accorder ces prêts. « Je trouve humiliant et inacceptable que les banques privées aient le droit de vie et de mort sur les mouvements politiques ou les campagnes », a affirmé François Bayrou.

  • Certification des comptes des partis par la Cour des comptes lorsqu'ils dépassent un certain seuil de financement public.

  • Interdiction des prêts par des personnes morales autres que les banques européennes ou les partis politiques.

Un combat de boxe engagé

Après la démission de François Bayrou, Nicole Belloubet a pris de dossier à bras le corps. « Je veux m'engager sur ce qu'à dit François Bayrou ». Pour la nouvelle ministre de la justice, pas question de céder. « J'ai l'honneur aujourd'hui de porter, au nom du gouvernement, cette réforme ambitieuse destinée à rétablir la confiance dans l'action publique. La transparence, la probité des élus, leur comportement exemplaire constituent des exigences sociales, politiques et éthiques fondamentales. Il s'agit de renforcer la confiance des citoyens dans leurs gouvernants et dans tous ceux qui concourent à l'exercice de la fonction publique. Ces exigences s'expriment dès 1789 dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, plus précisément dans son article 15, qui prévoit que : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » ».

Mais du point de vue des parlementaires, l'ambiance n'est pas à la fête. Notamment quand il est question de la suppression de la réserve parlementaire. Le sénateur républicain du Cher, Rémy Pointereau, trouve cette réforme inappropriée : « elle est indispensable pour nos communes rurales ».

Du côté du Conseil d’État, ça coince sur les questions de prêts. Consulté en juin dernier, ce conseiller du gouvernement pour la préparation des lois a rendu son rapport. « Il relève ainsi que le Gouvernement ne justifie pas en quoi la création d’un dispositif spécifique chargé de consentir des prêts à des candidats et partis, serait nécessaire afin de garantir la transparence du financement de la vie politique ». Selon le Conseil d’État, ce processus ne serait pas nécessaire étant donné qu'un médiateur du crédit aux candidats existe déjà dans un but de transparence.

Un gouvernement à l'écoute ?

« J'entends les critiques et je vais en faire état au Premier Ministre », a tout de suite affirmé Nicole Belloubet. Un débat pris en compte par le gouvernement et qui va même plus loin dans ses démarches. « La décision a été prise qu'en parallèle du processus législatif, va être mise en place une consultation publique pour entendre les remarques des Français », a détaillé Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, « l'idée est d'avoir des contributions qui remontent de nos concitoyens et qui permettront d'éclairer la réflexion ». Une réponse rassurante donc, de la part du gouvernement mais qui paraît tout de même illusoire. Pour l'instant, aucun date n'a été fixée pour consulter les Français.

Le 24 juillet prochain, ce sera au tour de l'Assemblée nationale de décidé de son sort. La ministre de la justice a d'ores et déjà prévenu les parlementaires : « L'exercice du mandat parlementaire implique une exigence renforcée de probité de la part des élus. Parce qu'ils représentent le peuple, parce qu'ils incarnent la souveraineté nationale, les parlementaires ne peuvent avoir des comportements inacceptables ni faire le jeu de différents lobbies. Chacun de vous en est convaincu ». Mesdames, Messieurs, l'heure du vote, a (enfin) sonné.

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