Qui peut soigner les élèves-infirmiers ?
- Pauline Bluteau
- 24 nov. 2017
- 3 min de lecture

Ils soigneront bientôt nos petits bobos, s'occuperont de nos enfants ou de nos parents, se déplaceront dans nos campagnes et tenteront de calmer nos angoisses. Mais ce que nos futurs infirmiers et infirmières ne savent pas, c'est qu'ils se sont lancés dans un véritable parcours du combattant. Pour le meilleur et surtout pour le pire.
Chaque année, près de 90 000 étudiants font leur entrée en IFSI (institut de formation en soins infirmiers). L'école dure trois ans. Trois années durant lesquelles les étudiants partagent leur temps entre ingurgiter des centaines de noms de maladies et travailler dans les différents services des hôpitaux. Trois années durant lesquelles ils apprennent à prendre soin de leur patients, au détriment de leur propre santé.
C'est en tout cas ce qu'a voulu mettre en avant la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI), dans une enquête publiée en septembre dernier. 14 000 étudiants y ont participé et le bilan est édifiant. 81,5% d'entre eux ont déjà envisagé d'arrêter leur formation au cours de leurs trois années d'études. À l'origine de ce mal-être : des stages souvent négligés par l'équipe soignante.
Des étudiants traumatisés
« Harcelée moralement pendant un stage il y a un an, cela m'a conduite à une dépression. J'ai vécu ce stage comme un réel traumatisme », confie une étudiante. Cette expérience, la jeune fille n'est pas la seule à l'avoir subi : 80,4% des étudiants interrogés pensent que leurs études ont un impact négatif sur leur santé, à la fois physique et morale. « Cette formation n'est pas à la hauteur de toutes les valeurs que l'institut essaye de nous inculquer au cours des trois années d'études. Elle est loin d'être bienveillante et humaniste », continue un élève.
Lors de leurs stages, les futurs infirmiers prennent conscience des réalités de leur métier. Des situations de stress, des services en sous-effectif, des patients qu'ils n'ont pas le temps d'apprendre à connaître... Les étudiants ne sont pas correctement encadrés et leur santé morale est la première à en pâtir. 61,8% d'entre eux estiment être épuisés psychologiquement, souvent voire tout le temps. Et 78,2% se disent stressés.
Les chiffres vont même encore plus loin : 19% des étudiants ont déjà souffert de dépression au cours de leur formation, 33,9% ont déjà eu une crise d'angoisse et deux étudiants sur dix consomment de la drogue. « Je ne fumais presque jamais avant d'entrer à l'IFSI, puis j'ai augmenté progressivement ma consommation de cannabis à cause du stress presque permanent », témoigne un étudiant.
Un véritable cercle vicieux
Épuisés psychologiquement, c'est ensuite la santé physique des étudiants qui se dégrade à toute allure. Malmenés durant leur stage, incompris, pas écoutés et parfois même harcelés, les futurs infirmiers perdent le contrôle d'eux-mêmes. Ils ne font plus de sport, dorment de moins en moins bien et vont souvent travailler la boule au ventre.
D'après l'enquête, 50,6% des étudiants estiment que leur santé physique s'est dégradée depuis leur entrée en IFSI. Et 75,4% sont épuisés physiquement. « J'ai perdu 10 kg en première année. Je craignais ma rencontre avec les patients à l'entrée en formation. Aujourd'hui, ce sont les soignants que je crains », explique une étudiante. « Cet épuisement psychologique à long terme (stress, manque d'envie et de confiance...) a fini par impacter ma santé physique. Je suis aujourd'hui dans un cercle vicieux. Je pense sérieusement à arrêter la formation », poursuit une autre.
Pour éviter d'en arriver là, la FNESI propose la mise en place de suivis psychologiques individualisés au sein des instituts. Mais la route semble encore longue pour faire entendre la voix de notre futurs soignants.

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